Les fédérations cheminotes CGT, UNSA, SUD et CFDT interpellent à nouveau le ministre concernant la situation de Fret SNCF. Comme première mesure immédiate, les quatre fédérations cheminotes demandent l’arrêt du plan de discontinuité de Fret SNCF…
Monsieur Christophe BÉCHU Ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires 246 boulevard Saint-Germain 75007 Paris Paris, le 18 janvier 2024 Objet : Situation de Fret SNCF
Monsieur le Ministre,
Une nouvelle fois, les fédérations cheminotes ont décidé de vous interpeller concernant la situation de Fret SNCF. Nous l’avions déjà fait le 27 avril 2023 ce qui n’avait été suivi d’aucune réponse de votre part, mais d’une lettre de cadrage de l’ex-ministre des Transports qui ordonnait au groupe public SNCF de mettre en place un plan discontinuité de la seule activité de fret ferroviaire détenue intégralement par l’Etat.
M. Béchu, vous avez été reconduit à la tête d’un ministère sur la transition écologique rassemblant les portefeuilles de la biodiversité, des transports, du logement … qui ne peut que vous permettre d’agir activement contre le réchauffement climatique. Nous ne vous cachons pas que la disparition d’un ministre des transports de plein droit nous inquiète. Nous avons la crainte que votre gouvernement décide de reléguer le ferroviaire au second plan alors que ce secteur est incontournable dans une planification écologique. Cette crainte est d’ailleurs étayée par les dernières annonces relatives au financement du Réseau. Il ressort clairement des négociations menées entre l’Etat et la SNCF que les engagements du gouvernement seront autofinancés par la SNCF. En clair, les promesses des uns seront réalisées et payées par le travail réel des autres.
La première décision politique, que nos quatre fédérations cheminotes vous demandent solennellement, est l’arrêt du plan de discontinuité de Fret SNCF. Nous sommes convaincus que vous avez étudié le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les conséquences de la libéralisation du fret ferroviaire, présenté le 13 décembre 2023 avec ses analyses, constat et recommandations. Sur ces bases, il est de votre responsabilité de revoir le processus de liquidation de Fret SNCF en cours.
La première étape de la discontinuité – avec les 23 flux dédiés sacrifiés – a déjà commencé à déstabiliser fortement le secteur de transport ferroviaire de marchandises au point de connaitre un report modal inversé. Pour preuve, durant les auditions à l’Assemblée nationale, les concurrents de la SNCF ont affirmé leur pessimisme. La dynamique de reprise qu’ils avaient observée ces deux dernières années est en train d’être cassée. L’instabilité est aussi présente concernant les deux entités qui doivent être créées au 1er janvier 2025. De l’aveu même de Pierre Ferraci, président de SECAFI Alpha, le modèle économique avancé par la direction SNCF est « non viable » sans aides publiques massives et souligne qu’aucune étude d’impact n’a été rendue publique pour évaluer le plan proposé par le ministère des Transports. La viabilité du modèle économique subséquent à la discontinuité n’est, de facto, pas établie. La promesse du pire est en réalité une certitude.
Si l’on considère, par ailleurs, les impacts écologiques de cette décision, l’obligation de sursoir à la discontinuité s’impose. Les conséquences des transferts de flux en matière de report modal vers la route ou de retour à des trafics plus polluants impactent déjà l’environnement.
C’est un naufrage que votre gouvernement est en train d’orchestrer. Il rappelle celui de la SNCM et promet des conséquences tout aussi désastreuses.
La situation de Fret SNCF ne relève pas d’un traitement de faveur particulier. Comme le rapporte la Cour européenne, nombre d’opérateurs de fret historiques sont déficitaires, et dans tous les pays, les gouvernements ont accepté de les subventionner pour les maintenir sur les rails. Ce n’est pas en cassant définitivement l’activité Fret SNCF que la France pourra compter sur un acteur ferroviaire de référence de report modal et de la transition écologique sur le marché de la logistique. L’entreprise publique SNCF, malgré les réformes ferroviaires que nous avons combattues ces dernières années, est la seule à avoir les capacités fédératrices et mutualisatrices nécessaires au niveau des territoires pour relancer, massifier les trafics, pérenniser et renouveler l’offre ferroviaire. Fret SNCF doit redevenir un opérateur public de transport territorial et une activité essentielle d’un système économique.
Depuis des mois, nos fédérations ont décidé de mener une riposte syndicale avec de nombreuses associations environnementales, forces politiques … Nous avons décidé de ne pas rester dans l’inaction face à ce scandale écologique et social ! L’application des règles européennes ne peut pas passer avant l’intérêt commun ; nous ne succomberons pas à la fatalité de la technocratie libérale et à la soumission du transport de marchandises par rail à l’économie de marché.
C’est officiel l’année 2023 a été la plus chaude que la Terre ait connue ; après huit années consécutives de records de chaleur, certains scientifiques y voient la preuve d’une accélération du réchauffement climatique. Nos quatre fédérations ont des propositions concrètes à vous formuler pour une politique alternative des transports vraiment efficace de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique tout en améliorant les conditions sociales des salarié·es des transports.
Dans l’attente de vous rencontrer rapidement, veuillez recevoir, Monsieur Le Ministre, nos salutations syndicales.
Pour la CGT Thierry NIER Pour l’UNSA Ferroviaire Didier MATHIS Pour SUD-Rail Julien TROCCAZ Pour la CFDT Thomas CAVEL